Note juridique - Le droit de préférence du locataire à Bruxelles

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Créé le 21/05/2024

Mis à jour le 24/05/2024

Analyse pratique des articles 247/1 à 247/4 du Code du logement bruxellois instauré par ordonnance du 28/09/2023 établissant un droit de préférence pour le preneur en cas de vente d’un bien loué. 

1. Entrée en vigueur

Ce nouveau droit de préférence octroyé aux locataires s’applique à toute mise en vente depuis le 6 janvier 2024 et ce, pour tous les baux en cours respectant les conditions visées sub. 2.

 

2. Bénéficiaire (art. 247/1 §1er)

A)    Le preneur (signataire du contrat de bail) aux conditions que : 

  • le bail conclu soit un bail de résidence principale ; 
  • pour un logement situé en Région de Bruxelles-Capitale ; 
  • le preneur soit domicilié dans le logement ;
  • ne soit pas un bail de courte durée (inférieur ou égal à 3 ans) sauf s’il est réputé conclu pour une période de 9 ans par l’effet des dispositions du code ;

! Art 238 al. 6 : un bail de courte durée est réputé conclu pour une période de 9 ans à défaut d'un congé notifié dans les délais ou si le preneur continue à occuper le bien loué sans opposition du bailleur et même dans l'hypothèse où un nouveau contrat est conclu entre les mêmes parties. Le bailleur et/ou l’agent immobilier devra vérifier, s’il est face à un bail originaire de courte durée, que celui-ci n’a pas été requalifié en bail de 9 ans.   

 

B)    La famille du preneur (non signataire du contrat de bail) si un membre visé est également domicilié dans le bien, à savoir : 

  • Son conjoint ; 
  • Son cohabitant légal ; 
  • Son cohabitant de fait ; 
  • Ses descendants ou enfants adoptifs ;
  • Les descendants ou enfants adoptifs de son conjoint/cohabitant légal/cohabitant de fait.

 → En pratique : 

  • Si le bailleur a connaissance d’un conjoint/cohabitant/descendant, il devra également lui notifier individuellement son intention de vendre ; 

  • Si le bailleur n’a pas connaissance d’un conjoint/cohabitant/descendant, la notification au preneur sera suffisante et elle leur sera également opposable (à charge pour le preneur de les en informer sous sa responsabilité). 

 

C)    Remarques

  • Le droit de préférence s’éteint au décès du ou des preneur(s) ; 
  • En cas de pluralité de personnes pouvant bénéficier de ce droit et qui souhaiteraient l’exercer concurremment, ils devront s’accorder dans le délai imparti pour savoir qui va l’exercer sous peine de déchéance (si pas d’accord entre eux dans le délai, ils perdent leur droit de préférence) ;  
  • Le cessionnaire dispose également du droit de préférence en cas de cession de bail si les conditions sont toujours respectées (domiciliation, …). 

 

3. Exceptions légales (article 247/1, §2, 1° à 10°)

Certaines ventes ou mutations immobilières privent le preneur de cette faculté (liste exhaustive) : 

  • Vente à la famille : entre conjoints/cohabitant légaux/cohabitants de faits domiciliés à la même adresse, et parents et alliés jusqu’au 3ème degré inclus (si pas de faculté d’élire command prévue pour une personne non visée). 
  • La vente en nue-propriété, usufruit et autres droits réels, ainsi que les ventes en rente viagère ; 
  • Une cession immobilière dans le cadre de fusions, scissions ou liquidation de sociétés ; 
  • La vente/apport à sa propre société (si détient au moins 50% des parts sociales, seuls ou avec un parent/allié jusqu’au 3ème degré) ; 
  • La cession de droit indivis entre indivisaires ; 
  • Lorsque le bien est cédé à une autorité publique en vue d’être utilisée à des fins d’intérêt général ; 
  • Lorsque le bien fait l’objet d’un arrêté d’expropriation pour cause d’utilité publique ; 
  • Le bien frappé d’un arrêté d’inhabitabilité ; 
  • Lorsque l’immeuble dispose de plusieurs logements occupés par différents locataires si le bien est vendu dans sa totalité ; 
  • Si une promesse de vente envers un tiers a été faite avant la conclusion du bail et que ce dernier exerce son droit postérieurement à la conclusion du bail.

 

4. Procédure (art. 247/2)

Le bailleur devra avertir le preneur, via une notification par recommandé avec accusé de réception (à peine de nullité), de la possibilité d’exercer son droit de préférence et ce, en deux temps.

! Le point de départ pour le calcul du délai de réponse pour le destinataire lors que la notification est faite par recommandé avec accusé de réception diffère de celui plus communément utilisée de l’envoi par pli recommandé « simple ». Suivant le code judiciaire, le calcul du délai de réponse du preneur est le premier jour qui suit celui où le pli a été présenté au domicile du destinataire. 

A)    1er temps : mise en vente

Le bailleur doit avertir le preneur de son intention de vendre le bien et de l’existence pour ce dernier d’un droit de préférence. 

La notification vaut offre de vente. Elle doit donc être complète, ferme et précise, et reprendre, à tout le moins, les éléments suivants : 

  • L’identité et le domicile du bailleur ; 
  • L’adresse du logement dont la vente est projetée ; 
  • La description du bien, et notamment son identifiant cadastral parcellaire ; 
  • Le prix sollicité ; 
  • Le cas échéant, les droits réels grevant le bien. 

Le preneur dispose d’un délai de 30 jours pour prendre position à dater de la réception de la notification et informer le bailleur s’il souhaite renoncer ou exercer son droit de préférence :  

  • L’acceptation dans le délai vaut vente ; 
  • Un défaut de réponse dans le délai vaut renonciation. 

En cas d’acceptation, il devra indiquer s’il exerce son droit pour lui-même ou pour un autre titulaire du droit dont question supra au point 2 b), et dont le bailleur n’avait pas connaissance. Dans cette hypothèse, l’acceptation devra être signée par le preneur et ce titulaire. Le preneur devra également joindre à l’acceptation la preuve de sa domiciliation, ou celle d’un autre titulaire, dans le logement concerné. Comme indiqué, l’acceptation vaut vente. Toutefois, le transfert de propriété et le paiement du prix (sous réserve d’un acompte éventuel) seront différés à la signature de l’acte authentique. 

En cas de renonciation, si le bailleur vend le bien aux mêmes conditions que celles proposées au preneur ou à des conditions moins avantageuses, il n’aura aucune formalité complémentaire à accomplir. Dans le cas contraire, voir point b). 

B)    2ème temps : notification en cas de vente à des conditions plus avantageuses (pour le candidat acquéreur) 

Si le bailleur, suite au processus de mise en vente, décide de vendre à un prix et des conditions plus avantageuses pour le candidat acquéreur que celles soumises dans sa première offre au preneur (qui a renoncé son droit), il doit (ou à défaut son notaire) lui notifier ces conditions et prix qui valent nouvelle offre de vente. Le preneur dispose alors d’un délai de 7 jours dès la réception de l’offre pour se positionner. Un défaut de réponse dans ce délai vaut renonciation. 

! Un défaut de réponse dans les 30 jours suite à la première offre équivalant à renonciation, la seconde notification devra également être effectuée quand bien même le bailleur n’aurait jamais eu de retour du preneur suite à son premier courrier. 

 

5. Rôle de l’agent immobilier 

L’article 247/2 §1er al. 3 prévoit expressément qu’à défaut de notification préalable par le bailleur au preneur lorsqu’un agent immobilier est chargé de la vente, ce dernier est soumis à la même obligation de notification s’il dispose de l’identité du preneur. 

Cet texte ajoute donc une responsabilité professionnelle à l’agent immobilier en lui imposant de s’assurer de la bonne exécution de cette obligation et, à défaut, de pallier à celle-ci. Dans le cas contraire, il pourrait éventuellement être appelé à la cause lors d’une action en subrogation d’un preneur et/ou en dommages et intérêts contre le vendeur (voir infra). 

 

6. Sanctions (art. 247/3)

Le non-respect du droit de préférence du preneur lui ouvre le droit à une action en justice (appelée action en subrogation) qu’il peut intenter contre l’acquéreur en vue de devenir propriétaire à sa place, et ce, contre le paiement du prix. 

L’acquéreur subrogé, et éventuellement le preneur, pourront introduire également une action contre le vendeur afin de formuler une demande de dommages et intérêts pour le préjudice subi. Comme expliqué précédemment, l’agent immobilier et/ou le notaire pourrait être appelés à la cause pour non-respect éventuel de leur propre obligation. 

L’action en subrogation se prescrit par un an à dater de la transcription de l’acte authentique de vente. 

 

7.    Caractère impératif (art. 247/4) 

Le code confère à ces dispositions un caractère impératif. Dès lors, toute convention par laquelle le preneur renoncerait par avance à son droit de préférence est réputée non-écrite. 

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