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Utilisation d'images et droit d'auteur

Mardi 27 février 2018

Utilisation d'images et droit d'auteur
©Vintage vector created by Starline - Freepik.com

En tant qu'agent immobilier, il peut arriver que vous (ré)utilisiez des images d'autres personnes sur votre site Web ou dans vos publications. Attention : cette (ré)utilisation est soumise à un certain nombre de restrictions découlant du droit d'auteur. Cet article, rédigé par l'avocat Joris Raport, explique brièvement les principes les plus importants. Joris Raport possède une expertise particulière dans les droits de propriété intellectuelle, y compris le droit d'auteur :

 

À l'ère du numérique, rien de plus simple que de sélectionner des photos sur Internet et de les (ré)utiliser en ligne ou hors ligne. Mais est-ce bien permis ? Les agents immobiliers aussi avancent parfois à tâtons, dans l’inconnu. Cet article expose brièvement les grands principes relatifs au droit d’auteur. Quelles sont les photos protégées par le droit d’auteur ? Quelles sont les implications d’une telle protection ? Comment obtenir une autorisation valable pour les utiliser ? Et quid en cas d’infraction ?

Un photographe (qu’il soit professionnel ou particulier) acquiert automatiquement un « droit d’auteur » sur les photos qu’il prend, pour autant que ces photos soient « originales ». Pour être qualifiée d’« originale », une photo ne doit nullement être artistique. La jurisprudence parle d’« originalité » dès qu’une œuvre est le résultat d’une « création intellectuelle propre à l’auteur » et que cette œuvre « comporte l’empreinte de la personnalité de l’auteur ». En d’autres termes, à partir du moment où le photographe a fourni un certain effort intellectuel pour prendre la photo (choix opérés concernant l’objet photographié, perspective dans laquelle la photo a été prise, éclairage, etc.) et où ces choix personnels du photographe se reflètent dans la photo, celle-ci est protégée par le droit d’auteur. Voilà une définition bien abstraite. Dans la pratique, cela revient à dire que la plupart des photos sont protégées par le droit d’auteur, quels que soient leur objet ou leur « qualité artistique ».

Notons que la protection au titre du droit d’auteur s’acquiert automatiquement. L’auteur-photographe n’a pas de formalités à remplir pour que sa photo soit protégée par le droit d’auteur. Ainsi, on pense parfois à tort qu’il y a lieu d’effectuer un dépôt à la SABAM ou auprès d’une autre instance ou qu’un signe de copyright (©) doit être apposé sur ou sous la photo. Rien de tout cela n’est nécessaire.

L’auteur-photographe est en principe la seule personne habilitée à reproduire la photo et à la communiquer au public d’une quelconque manière. Il peut toutefois octroyer une licence ou même céder tout ou partie de ses droits d’auteur, à l’exception de certains droits moraux, à un tiers (= « ayant droit »), ce qui signifie alors que cet ayant droit peut lui-même, dans les limites de l’autorisation qu’il a reçue, exercer certains droits qui reviennent en principe exclusivement à l’auteur, parfois même le droit d’exploiter lui-même les photos.

Si vous souhaitez utiliser une photo déterminée, vous devrez donc d’abord vérifier qui en est l’auteur ou l’ayant droit. Vous devez ensuite vous adresser à cet auteur ou cet ayant droit et obtenir son autorisation spécifique d’utiliser la photo aux fins prévues. À cet égard, il est important de convenir clairement (1) de la photo visée, (2) de l’usage – commercial ou non – que vous comptez en faire (par exemple, pour illustrer une annonce), (3) du « canal » que vous souhaitez utiliser à cette fin (par exemple hors ligne dans une revue ou en ligne sur un site Internet), (4) de la durée de l’autorisation pour l’usage convenu (par exemple pendant un an ou pour une durée indéterminée), (5) du territoire concerné (par exemple, uniquement en Flandre ou en Wallonie, dans toute la Belgique voire à l’étranger) et (6) de l’indemnité éventuellement due à l’auteur ou à l’ayant droit pour l’usage convenu. Du point de vue des preuves, il est conseillé de convenir de tout cela par écrit, assurément lorsque l’auteur est une personne physique vis-à-vis de laquelle, en principe, seule une autorisation écrite et clairement définie est contraignante.

Lorsque vous utilisez ensuite la photo conformément au droit que vous avez acquis, vous devez en principe toujours mentionner le nom de l’auteur initial, sauf disposition contraire explicite.

En cas de contact individuel avec un auteur, par exemple un collègue agent immobilier qui a pris des photos de la maison de votre client, que vous souhaitez désormais utiliser vous-même, il est donc conseillé de conclure des accords concrets sur tout ce qui précède.

De plus, les règles ci-dessus ne s’appliquent pas seulement hors ligne, mais aussi à l’environnement en ligne. Par conséquent, lorsque vous voyez sur Internet (par exemple dans Google Images ou sur un site de réseau social comme Facebook ou Pinterest) une photo que vous souhaitez utiliser, vous devez prendre contact avec l’auteur original ou son ayant droit pour obtenir l’autorisation d’utiliser cette photo.

Sur Internet, on trouve diverses banques de données, grandes ou petites, contenant des centaines de photos « mises en vente » par des ayants droit-exploitants. Sachez qu’un tel achat ne comprend généralement que l’acquisition d'une licence d’utilisation, l’autorisation d’utiliser la ou les photo(s) étant généralement limitée à une certaine période, un certain moyen, un certain nombre de reproductions, parfois uniquement à un usage non commercial, etc. Il est donc important, avant d’« acheter » la ou les photo(s) souhaitée(s), de bien vérifier quels sont les droits d’utilisation associés et s’ils sont conformes à l’utilisation que vous visez.

Certains auteurs ou ayants droit décident de mettre leurs photos « gratuitement » à disposition ou de les rendre « libres de droits ». De nouveau, cela ne signifie pas nécessairement que vous pouvez utiliser ces photos « gratuites » ou « libres de droits » comme bon vous semble. Lorsque de telles photos sont proposées, vous devez toujours vérifier ce que cette mise à disposition « gratuite » ou « libre de droits » signifie exactement. En effet, il n’est pas rare qu’elle s’accompagne tout de même de certaines restrictions, comme l’interdiction d'un usage commercial, pour lesquelles l’autorisation individuelle de l’auteur ou de l’ayant droit demeure nécessaire (et peut donc éventuellement faire l’objet d'une indemnité).

Et quid si vous êtes malgré tout confronté à une personne qui se présente chez vous comme étant l’auteur ou l’ayant droit de la photo que vous avez utilisée ?

Demandez tout d’abord à l’auteur ou l’ayant droit de démontrer qu’il est bien celui qu’il prétend être.

Vérifiez également si vous avez déjà reçu une autorisation d’utiliser cette photo et, le cas échéant, présentez-la à l’auteur ou à l’ayant droit.

Si vous n’avez pas reçu au préalable une autorisation d’utilisation valable ou si, conformément à l’autorisation reçue, vous ne pouvez pas ou plus utiliser la photo comme vous le faites, (1) l’auteur ou l’ayant droit a le droit de mettre immédiatement un terme à cet usage illégal et (2) l’auteur ou l’ayant droit dispose également d'un droit à un dédommagement.

Le montant que l’auteur ou ayant droit peut réclamer à titre de dédommagement dépend des circonstances concrètes : de l’utilisation concernée, du nombre de reproductions de la photo concernée, du format dans lequel la photo a été reproduite, etc. Il n’est pas toujours facile de déterminer quel est le montant raisonnable d’un dédommagement. S’il s’agit d'une photo qui était proposée en ligne par l’auteur ou l’ayant droit à un prix forfaitaire, ce prix peut vous donner une première orientation. Sachez toutefois, étant donné l’usage illégal et selon l’ampleur de l’infraction, que l’on pourra facilement vous réclamer jusqu’à trois fois le prix d’une licence d’utilisation normale à titre de dédommagement. Une autre référence, également utilisée comme source dans plusieurs cas de jurisprudence, est ce que l’on appelle le « tarif SOFAM ». Il s’agit d'une sorte de « tableau indicatif » présentant, en fonction de l’utilisation concrète, un tarif correspondant plus ou moins aux « usages du secteur » et sur la base duquel on pourra également réaliser une projection de dédommagement acceptable en cas d’infraction. Vous retrouverez le « tarif SOFAM » et de plus amples informations à ce sujet sur le site www.sofam.be.

 

Joris Raport

Avocat